Durant notre dernier cours de design en permaculture à l’ecohameau du Moulin de Busseix, il a été décidé d’expérimenter une nouvelle façon de valoriser les eaux usées, en produisant de la nourriture. Nos utilisateurs disposant de toilettes sèches, il nous restait à assainir les eaux ménagères très peu chargées en pathogènes, et les valoriser avant leur départ de notre système, telle que la permaculture nous l’enseigne.

Le flux d’eau arrivant à environ deux mètres au dessus du sol (la maison paille est montée sur pilotis), nous avons décidé d’adapter une technique d’assainissement écologique utilisée en Afrique. La charge hydraulique, la perméabilité du sol, le climat, étant différents, notre adaptation s’est surtout portée sur l’infiltration, et la continuité de traitement lors de la période hivernale.

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Alors comment fonctionne ce système d’assainissement écologique de valorisation des eaux usées pour la production de nourriture?

Valoriser les eaux usées ménagères

Bien sûr, cette eau aujourd’hui de plus en plus précieuse, n’est pas habituellement destinée au jardinage, d’ailleurs la règlementation française n’est pas favorable à cela. Malgré cela, de nombreux foyers de par le monde, ont réussi à utiliser cette nouvelle source d’eau, de façon indirecte, pour faire pousser des légumes avec succès. Ils récupèrent l’eau utilisée pour laver les vêtements, la vaisselle, les humains, appelée couramment « eaux grises », et l’utilisent pour le jardinage. La présence de micro-organismes dans le sol reconstitué de cet ouvrage, et dans les bassins de mulch qui suivent, fait que les eaux sont naturellement assainit durant l’opération, avant de rejoindre le milieu naturel par infiltration.

Un des moyens prometteurs et simples pour cela, est de réaliser une «tour à légumes». Ce système d’assainissement écologique des eaux, a d’abord été développé au Kenya. Les légumes poussent dans une colonne de terre qui remplit un sac. Chaque jour, l’eau grise disponible est versée dans le sac, et les légumes sont plantés dans des trous percés sur les côtés du sac. Les résultats parlent d’eux-mêmes, mais comme pour toute irrigation, l’utilisateur doit maîtriser les trucs et astuces. Tout n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît! Initialement, les femmes Africaines où a testé le système étaient sceptiques, elles ne croyaient pas que l’on pouvait arriver à faire pousser de bons légumes avec de l’eau savonneuse!

Un aperçu de la manière dont arrive les eaux usées dans le système. Le haut de l'ouvrage sera ensuite équipé d'un filtre à paille et paillé abondamment pour éviter lessivages et compactages. Les poteaux serviront de support à un treillis qui recevra tomates ou autres grimpantes.

Un aperçu de la manière dont arrive les eaux usées dans le système. Le haut de l’ouvrage sera ensuite équipé d’un filtre à paille et paillé abondamment pour éviter lessivages et compactages. Les poteaux serviront de support à un treillis qui recevra tomates ou autres grimpantes.

 

Quels légumes peuvent être cultivés?

Quels légumes peuvent être cultivés? Les tours sont idéales pour les plantes à feuilles telles que les différentes variétés d’épinards. Elles sont plantées dans les trous effectués sur les côtés du cylindre constitué d’un filet d’ombrage, qui se trouve aisément chez nous dans le commerce. Idéalement, les trous ne devraient pas se trouver les uns au dessus des autres mais s’échelonner diagonalement afin de laisser plus d’espace pour la croissance des racines. Les tomates et les oignons peuvent être plantés dans la couche supérieure et si la plante nécessite un palissage, ceci peut être permise, en prolongeant les montants verticaux et en les reliant avec des fils de fer ou des cordes. Des plantes compagnes peuvent être ajoutées pour faciliter le contrôle biologique des maladies et d’insectes. L’ail et l’oignon sont utiles à cet égard.

 

Une irrigation constante, passive, une production potagère abondante

Dans notre cas, la tour a donc été positionnée sous l’évacuation des eaux grises, elles atteignent le centre de la tour, après être passées par un filtre à paille, visant a séparer les graisses, qui pourraient colmater l’ouvrage.

Vue depuis l'intérieur de la tour. Les drains conduisant les excès d'eau en hiver, sont crées à partir de pierres de récupération. Une couche horizontales, un assemblage vertical ensuite, pour faciliter l'écoulement des eaux, puis une nouvelle couche horizontale, pour éviter le colmatage. Il conduiront les trop plein vers des bassins de mulchs, plantés de guildes de végétaux comestibles et utiles.

Vue depuis l’intérieur de la tour. Les drains conduisant les excès d’eau en hiver, sont crées à partir de pierres de récupération. Une couche horizontales, un assemblage vertical ensuite, pour faciliter l’écoulement des eaux, puis une nouvelle couche horizontale, pour éviter le colmatage. Il conduiront les trop plein vers des bassins de mulchs, plantés de guildes de végétaux comestibles et utiles.

 

Fabriquer la tour

La façon dont la tour fonctionne est simple. Le sol est contenu dans une «peau» de filet d’ombrage et entoure un drain constitué de pierres empilées. Le rôle de ces pierres est de contrôler le flux d’eau afin que le degré d’humidité du sol reste dans des valeurs optimales à la pousse. La mixture de terre assure l’apport en nutriments et le support nécessaire au développement des micro-organismes.

La nature des poteaux verticaux importe peu. Des branches ou des matériaux de clôture conviennent tout à fait et lorsque des tomates sont plantées dans la couche supérieure du sol, des extensions peuvent être ajoutées pour créer un palissage. Par contre, la bonne sélection du tissu qui forme les côtés de la tour est cruciale. De nombreux matériaux ont d’abord été essayés en Afrique du Sud. Au Kenya, des sacs de jute ont été utilisés mais leur durée de résistance n’était que de deux ans environ. En Afrique du Sud, les sacs montrés dans certaines des photographies, n’ont tenu qu’une saison. Les feuilles de plastique noir se sont détériorées rapidement au soleil. Le filet d’ombrage s’ est avéré être beaucoup plus durable, mais il est important de maintenir le pourtour du cylindre avec un grillage, qui peut servir de support de culture par exemple. En effet, durant le remplissage, nous nous sommes aperçu que la terre, même sans la tasser, pousse sur le filet et a tendance à le déformer, ce qui compromet sa durabilité. Un cintrage résout donc se problème.

C’est tout un art de remplir le cylindre avec la terre. Celle-ci doit être très légèrement tassée pour apporter de la cohésion, mais jamais compactée. L’eau ne peut pas pénétrer dans les zones compactes, or elle doit pouvoir être distribuée uniformément dans la terre. De la même manière, le bon remplissage des pierres est crucial. Lors des premiers essais effectués en Afrique du Sud, des pierres rondes étaient utilisées et l’eau coulait simplement en bas de la colonne centrale sans s’infiltrer uniformément dans la terre. L’empilement de pierres plates ou de gravats a résolu le problème. Il est possible d’utiliser des petites pierres rondes ou plates, à condition qu’elles soient arrangées de sorte que la diffusion de l’eau se fasse convenablement. Nous avons utilisé de la pouzzolane de récupération, présente sur place, celle-ci à l’avantage de stocker de l’eau. On peut imaginer que par capillarité, celle-ci pourra se diffuser dans la terre proche, nous observerons les résultats.

Le remplissage de la tour et de la partie drainante centrale, à l'aide d'un seau sans fond.

Le remplissage de la tour et de la partie drainante centrale, à l’aide d’un seau sans fond.

Le sol doit être fertile et retenir l’humidité . Il a été montré qu’une mixture de six parts de terre, pour quatre parts de compost, et deux parts de cendres de bois donnait un résultat satisfaisant. Des expérimentations seront nécessaires pour mettre au point un sol optimal à partir des matériaux disponibles localement.

L’utilisation des tours potagères est à ses débuts en Afrique du Sud, mais offre l’opportunité de faire la différence dans des secteurs où les conditions climatiques extrêmes, et les circonstances défavorables, avaient rendu la tenue d’un jardin potager impossible. On peut citer par exemple la région de Ndonga près de Queenstown au Cap-Oriental, et deux régions de la province de Limpopo, toutes deux sujettes à des conditions arides. L’une est la vallée de Nzhelele au nord du Soutspansberg et l’autre est Makuleke dans le nord-est de la province. Il me semble crédible que ce système, après les essais, observations, et corrections que nous menons, puissent avoir un réel intérêt dans certains contextes, y compris en climat tempérés. Je pense notamment aux milieux urbains, ou d’autres situations, où l’espace serait très limité, et la verticalité utilisable.

Nous vous tiendrons bien sur, au courant, de l’évolution de cette expérimentation, dans les lignes et newsletters de ce blog. Bonne continuation à tous!

L'arrivée finale de la filière. Les eaux non infiltrées jusqu'ici, termineront leur parcours dans un dernier bassin de mulch et d'infiltration, fournisseur régulier de compost et d'une irrigation précieuse pour un pommier central et butte cultivée en aval.

L’arrivée finale de la filière. Les eaux non infiltrées jusqu’ici, termineront leur parcours dans un dernier bassin de mulch et d’infiltration, fournisseur régulier de compost et d’une irrigation précieuse pour un pommier central et butte cultivée en aval.