par Elsa Sidawy | 08.03.12

 Une U Farm

L’entreprise UpCycle va installer mi-mars à Paris une champignonnière urbaine qui fonctionnera grâce au marc de café. L’objectif de cette initiative baptisée U-Farm ? Produire une alimentation de qualité à l’empreinte carbone quasi nulle, grâce à des déchets transformés en ressources. Dans le panier en fin récolte, jusqu’à 10 tonnes de champignons pour un seul container de 30m2.

Quand certains imaginent des tours vertes très ambitieuses, l’objectif d’UpCycle est d’utiliser l’économie circulaire et le biomimétisme pour produire localement et à un prix abordable en fonction des ressources agricoles, techniques et humaines disponibles localement. Au menu ? Produire de nouveaux types de protéines à faible empreinte écologique avec un container, du marc de café et des champignons. L’idée de la champignonnière urbaine est de « faire comme dans la nature où le concept de déchet n’existe pas, car tout est recyclé localement : nous voulons utiliser les capacités étonnantes des champignons pour upcycler des sous-produits agricoles et agro-industriels », explique Cédric Péchard, fondateur d’UpCycle. Se basant sur les dessins d’un designer de l’ENSCI, qui a inspiré d’autres projets à Berlin et Zürich, l’agro-économiste a conçu cette ferme urbaine miniature à l’aide d’un ancien container frigorifique. « En plus d’être recyclé, modulaire et mobile, le container joue un vrai rôle : son isolation permet de réguler la température en fonction des cycles de vie des champignons ». A l’intérieur, point de champignons de Paris mais des pleurotes – les mieux adaptés à ce système – que l’on va humidifier et éclairer pour stimuler leur croissance. Si le container est aujourd’hui relié au réseau électrique pour son fonctionnement, « nous serons autonomes dans un second temps avec des chauffe-eau solaires », promet l’entrepreneur.

Du marc de café aux champignons

La première vertu de ce projet est de pouvoir valoriser des biodéchets qui, aujourd’hui, rejoignent majoritairement l’incinérateur. Dans ce domaine, le marc de café est le plus intéressant pour la pousse des champignons : il constitue d’abord une ressource locale, mais surtout « l’eau chaude des machines à expresso va nettoyer le marc, ce qui donnera un substrat très pur en termes de bactéries ». Les calories dépensées par le cafetier pour servir ses tasses de café seront doublement utiles : « en transférant la pasteurisation au niveau des cafetiers, on fait un transfert de la chaîne de consommation d’énergie et on a produit directement utilisable pour faire de la production de champignons sans avoir à la pasteuriser à nouveau ». Dans les faits, l’organisation de la collecte auprès des cafés s’avère encore compliquée, mais les marques comme Jacques Vabre commencent à faciliter l’accès au marc de café de leurs clients. Autre ressource ? Les drèches de brasseries, les déchets verts comme la sciure et même les papiers-cartons désencrés. En sortie de route, le marc de café pourra rejoindre les champs agricoles et les jardins urbains partagés des alentours, comme amendement pour redonner de la vie aux sols grâce au mycelium apporté par les champignons.

Un projet durable et social

Pour compléter le tryptique « développement durable » de son projet, Cédric Péchard a tenu à « intégrer l’unité dans une dynamique économique qui remet l’individu au centre du système » local. Une personne en réinsertion sera en charge de la logistique, de la préparation à la récolte, en passant par la distribution par le biais de réseaux comme La Ruche qui dit oui et des AMAP. A quand la vente en directe au container ? Cédric Péchard y croit, mais pas pour tout de suite : « il y a une zone de non-droit sur l’agriculture urbaine, mais il est encore très compliqué de vendre en direct aux particuliers ». D’après les estimations, avec un cycle de production de six semaines, chaque champignonnière de 30 m2 pourrait produire annuellement 10 tonnes de champignons. « Pour contribuer à nourrir les populations urbaines des grandes mégapoles et créer de la résilience locale, on peut imaginer de nouvelles façons alternatives de produire, qui sont de vraies réponses en terme d’enjeux alimentaires », souligne Cédric Péchard. Après un premier pilote technique au Havre en octobre dernier, la première vraie champignonnière va donc pousser à Paris en mars, dans le cadre de l’appel à projets Mobilier Urbain Intelligent. Les restes de votre petit noir du matin pourront bientôt servir à fabriquer l’omelette aux pleurotes du midi.

Article provenant du site www.innovcity.fr

Crédits photos : Patrice Latron / LookatSciences