Derrière ce titre un peu provocateur, se cache une réalité bien présente, à laquelle je suis confronté de plus en plus souvent, et qui, je dois dire, me préoccupe !!!

De par le métier de formateur ou de bureau d’étude, je suis amené à rencontrer de nombreux porteurs de projets à vocations écologiques depuis plusieurs années. Et une tendance, peut être même une mode, est en train d’envahir la tête des néo-ruraux, nombreux à s’installer ici dans le Périgord ou le Limousin. Cette tendance est celle de couples (à majorité urbains) désireux de : s’installer à la campagne, jusqu’à la rien de grave, d’auto-construire une habitation écologique ou de rénover une habitation, là ça se complique un peu, surtout pour la rénov… Et pour votre activité professionnelle ? Nous allons faire du maraichage… Mais vous êtes combien pour faire tout cela ? Bien tout les deux, on est motivé et on y croit dur comme fer, on va faire nos propres semences et puis on va faire de la traction animale, etc.  Ça c’est super, mais même si pour les plus courageux le succès est au rendez vous, la majorité des gens que je rencontre avec ce genre de projet ne s’attendent pas du tout, mais pas du tout, à ce qu’est la réalité de la vie vers laquelle ils s’engagent (par moment à crédit d’ailleurs).

Pour garder le sourire, soignez le plus possible votre avant projet, soyez réaliste par rapport à vos forces, faiblesses, au temps et à l’argent dont vous disposez.

Pourquoi ce phénomène se produit il ? Il est certain que beaucoup d’urbains se sentent, et à juste titre déracinés, de la terre mère nourricière. Ils ont envie de la retrouver, de remettre les mains dedans et c’est tout à fait justifié. Ajoutez à cela, une belle photo de maraichers super heureux avec l’âne, les enfants et les jolies fleurs en arrière-plan, sous un soleil radieux, ou le type au grand sourire derrière son cheval, sans une goutte de sueur, et on a le cocktail idéal pour se dire, ça c’est ce que je veux !!!

A croire qu’il n’existe que le maraichage comme activité viable à la campagne ! Mais surtout, je trouve inquiétant le manque de réflexion en amont, ce qui conduira inexorablement à la suite logique : descente du monde des bisounours, arrivée sur terre, difficultés financières, frustration-colère, échec…

Il est évident que je ne dis pas qu’il y a trop de maraicher, ni que nous n’en avons pas besoin. Mais nous avons besoin de gens qui ont pensé leur activité, qui durera plus de trois ans, et qui sauront alimenter de manière professionnelle nos fines bouches, qui profite du moindre ratage pour retourner au supermarché bio du coin.

 

Alors comment éviter ces écueils, me direz vous ?

Tout d’abord « connais toi, toi même » disais Socrate, alors quelle est votre niche ? Votre place dans l’écosystème terre ? Dans quoi êtes vous doué ? Dans quelle activité ne voyez vous pas le temps passer ? Pour construire la société de demain, nous n’avons pas besoin que de gens qui font pousser des légumes !!! Mais aussi de boucher-charcutier, d’éleveurs, de clowns, d’enseignants, de coiffeur, de soignants, de réparateur de tout et de rien, de mécanos, d’informaticiens (et oui !), en gros tous les métiers sont transposables à la campagne et chacun dans son métier, peut diffuser et pratiquer la permaculture (encore un « et oui ! » Un coiffeur peut être un permaculteur !). Voila un premier travail pour vous, trouver votre niche. C’est aussi ce que nous nous attachons à faire dans nos cours de permaculture, car pour moi, ça a autant d’importance que le reste.

Deuxième point, votre construction ou rénovation. Sachez que si vous entreprenez un tel projet, il vous faudra travailler très dur, a moins de construire très petit. La construction et la rénovation, sont des métiers ! qui plus est, difficiles… D’autant plus que vous allez devoir apprendre à construire, tout en faisant… Alors ne chargez pas trop la mule, au risque d’être complètement atomisé après votre construction et de ne plus pouvoir gérer le projet de maraichage ou tout autre d’ailleurs ! L’auto construction joue aussi beaucoup sur les relations de couple, alors, essayez aussi de finir à deux ! En gros les recettes : penser petit ou pas trop grand (la maison de 200 m2 au sol avec les gîtes, tout cela à construire tout seul de A à Z : oubliez à moins d’être Hercule !). Donc comme nous l’enseigne la permaculture, commencez petit, puis quand vous maitrisez votre système, étendez vous.

Faites vous aider, par vos amis mais aussi par des professionnels !

J’insiste sur la rénovation : pensez bien votre avant projet, après le coup de cœur, redevenez pragmatique et faîtes expertiser votre bien par quelqu’un qui connait bien le bâtiment (pas un copain qui a monté un mur en parpaing ou une cabane à chien), pour ne pas aller vers de grandes déconvenues qui sont fréquentes en rénov. Pour la construction, il vous faudra, par moment, laisser votre fierté de coté, et confier les points les plus techniques à des professionnels. C’est souvent en voulant économiser trois sous que l’on se fait le plus ch… et qu’au final on perd le plus de temps. Faites circuler l’argent et n’hésitez pas à faire faire certains travaux, vous gagnerez du temps, vous pourrez donc démarrer votre activité plus tôt, et donc, obtenir un revenu plus rapidement…

Prenez du temps pour Vous, Votre intérieur, vous vous souvenez ?, Votre couple, Votre famille. N’hésitez pas à prendre le large de votre projet régulièrement. Une semaine ou quelques jours de repos loin de votre chantier ne vous feront pas perdre de temps, au contraire ! Car vous reviendrez revigoré, avec un mental prêt à remettre le couvert ! Et surtout, ne vous donnez pas d’ultimatum irréaliste. C’est marrant mais tout le monde se donne un an pour réaliser son projet peut importe la taille ! Sachez que vous serez en retard, même peut être beaucoup. L’ultimatum est la pire des épées de Damoclès que vous puissiez avoir, c’est la plupart du temps le facteur numéro un du « burnout de l’autoconstructeur ».

Enfin, le maraichage est un travail rude. J’ai plusieurs connaissances qui pratiquent ce métier, ils ne comptent pas leurs heures, prennent rarement des week ends et des vacances, et ce métier est physiquement éprouvant, il faut le savoir. Vous serez aussi dépendant de la météo et le terrain que vous choisirez jouera beaucoup dans votre réussite. C’est par contre, un très beau métier, une magnifique vocation, que celle de nourrir les gens avec des produits sains. Pensez aussi que le maraichage est souvent dépendant de l’amendement animal, à moins d’avoir le luxe de pouvoir réaliser des rotations importantes, ce qui n’est pas simple quand on a peu de terre. L’animal est donc souvent indissociable de cette activité et nécessite de s’en occuper… Les bonnes terres sont assez compliquées à trouver aujourd’hui, elles sont souvent subtilisées par les lotisseurs, choisissez donc bien vos terrains.

Le maraichage est un métier magnifique, mais très difficile et prenant…

J’aurais bien d’autres informations à vous transmettre mais pour aujourd’hui je pense que c’est déjà pas mal !!!

Pour ceux qui ne se sont pas mis la corde au cou, sachez que votre rêve est réalisable, qu’il est à votre portée, à condition d’être réaliste, de se faire aider, d’avoir la formation technique juste pour l’accomplir.

Sachez qu’il existe aussi de nombreuses activités possibles qui vous conviendraient, j’en suis sur, que ce soit maraichage ou autre. Je m’intéresse, à titre personnel, énormément à ce que j’appelle « l’entreprise régénérative », une entreprise permacole, basé sur la réelle régénération de l’environnement, solidaire, sociale, et viable économiquement. Les possibilités de création dans ce domaine sont « l’économie verte » étant au gout des permaculteurs et autres écologistes, grandement insuffisante. Je vous ferai part de mes recherches dans un futur site dédié à ce sujet dans les mois à venir. Je vous souhaite pleins de succès à tous dans vos projets.

Images : milkwood.net, solarhaven.org, http://percheron-international.blogspot.fr