Nous sommes tous conscients de l’intérêt des pollinisateurs dans notre jardin, dans nos fermes, et par incidences pour le maintien de la vie sur terre…
Sans abeilles et insectes pollinisateurs, en effet, la reproduction de nombreux végétaux est mise en danger.
Les récoltes de nombreux fruits (cerises, de nombreuses pommes, fraise, etc.), légumes (carottes, tomates, courgettes, haricots…), céréales (blé noir, tournesol, colza…), noix, amandes, châtaignes et bien d’autres encore seraient vouées à disparaître…
En gros, les insectes pollinisateurs contribuent à la production agricole pour 150 cultures (84 %) en Europe*.
Les abeilles mellifères sont concernées. Elles nous fournissent en plus un produit génial pour la santé, le miel, mais de nombreux autres insectes jouent également ce rôle de pollinisateur : des bourdons, des osmies, des syrphes, des papillons…
Donc non seulement ces petites bêbêtes sont importantes pour le maintien de la vie en général, nous y compris, mais elles vont aussi vous permettre d’améliorer vos récoltes en quantité (jusqu’à 30 % de productivité en plus selon une publication de la fameuse revue science du 22 janvier 2016), en qualité, et en régularité, que ce soit à la ferme ou dans vos jardins…
Bien sûr, de nombreux insectes pollinisateurs ont aussi la double fonction d’être d’excellents auxiliaires pour nous aider à réguler les indésirables présents dans nos cultures… ce qui ne gâche rien…
Le problème est qu’aujourd’hui, ces insectes disparaissent en nombre et en diversité partout, et l’ensemble de notre survie et de nos récoltes est menacé…
Nous sommes dans l’urgence !
Malgré les essais de certains à utiliser des robots ou des humains pour polliniser, nous n’arriverons jamais à égaler en quantité et en qualité le travail gratuit de ces insectes…
Les causes de ces disparitions sont connues : urbanisation, utilisation de produit phytosanitaire, mais au-delà de cela, on oublie souvent la principale cause de leur disparition : la raréfaction de leurs ressources alimentaires…
En effet, comment les insectes peuvent-ils trouver suffisamment de nourriture (en quantité et en diversité) alors qu’il y a un manque cruel de présence de végétaux qui soient capables de proposer cette nourriture sur l’ensemble de l’année ?
La pauvreté de nos campagnes est telle que les abeilles se trouvent bien souvent en meilleure forme dans les villes, entre autres, grâce à la nourriture qu’elles trouvent sur place, un comble !!!!
L’avenir de l’abeille : métro, boulot, bzzzz, bzzz… 😉
De même, l’isolement et la raréfaction des zones sauvages permettant la nidification de ces espèces sont des facteurs importants de leurs disparitions.
Le fameux « faire propre » dans nos jardins est une aberration dont nous parlons souvent dans les publications de Permaculture Design, car cela tue la biodiversité…
Alors, comment résoudre ce problème ?
Comment, vous, porteur de projet agricole, apiculteur, jardinier, ou tout simplement particulier amoureux de la nature, pouvez-vous créer un havre de paix pour nos chers amis insectes et bénéficier par incidence de toutes leurs qualités ?
Bref comment établir un échange gagnant/gagnant ?
L’idée est de respecter plusieurs principes :
- Observer ce qui est présent chez vous
- Offrir le gîte
- Offrir le couvert, et laisser la nature faire !
1. Observer ce qui est présent chez vous :
Si vous débutez en entomologie*, munissez-vous d’un appareil photo et sortez immortaliser les bêbêtes se baladant sur votre site.
Reportez-vous ensuite à un site d’identification (https://www.insecte.org ou http://microcox.pagesperso-orange.fr/icono.htm), un forum de spécialistes (https://www.insecte.org/forum/index.php) ou encore un livre tel que « Jardinez avec les insectes » pour déterminer les grandes familles puis les espèces que vous aurez trouvées.
Jardinez avec les insectes
Comprendre, prévenir, attirer et contrôler les invertébrés au jardin
Vincent Albouy
Édition De Terran – 2009.
23 €
Même s’il n’est pas évident d’identifier un insecte d’après une photo, vous aurez quand même une première idée de la diversité d’insectes présents chez vous, celles en surnombres ou rares, celles utiles, car pollinisatrices ou auxiliaires du jardinier, celles plutôt indésirables à réguler…
Voici quelques exemples de pollinisateurs et auxiliaires que vous pourriez bien trouver :
Les abeilles mellifères : très connues, elles sont l’emblème des insectes pollinisateurs et parmi les plus efficaces grâce à leur corps poilu parfait pour le transport du pollen de fleur en fleur.
En plus, les adultes passent le plus clair de leur temps à butiner pour se nourrir ou récolter pollen et nectar, ce sont donc des bosseuses hors pair à notre service.
Le bourdon : un autre très grand pollinisateur dont on compte 43 espèces sur l’hexagone. Travailleurs infatigables à la taille et la force importante, les bourdons sont dotés d’une très longue langue (plus de 2cm chez certaines espèces) qui leur donne l’accès quasi exclusif au nectar de certaines fleurs comme celle des pois et des haricots.
Familles des Halictes : ce sont des abeilles solitaires ne produisant pas de miel, mais étant d’excellentes pollinisatrices par exemple pour le maïs ou le tournesol.
Comme pour les abeilles et les bourdons, les populations d’abeilles solitaires sont en régression.
Eristale gluante : pollinisateur généraliste que l’on confond souvent avec l’abeille dont elle a les couleurs au niveau de l’abdomen, l’eristale gluante est, en fait, un insecte diptère, autrement dit une mouche parfaitement inoffensive dont les deux ailes (contrairement aux abeilles qui en ont 4) lui permettent de pratiquer le vol stationnaire.
Les larves d’éristale gluante, appelée « vers à queue de rat » (la queue étant en fait leur tube respiratoire) se développent dans des eaux très fortement chargées en matières organiques et très pauvres en oxygène (fosse à purin, fosse d’aisances, mares polluées…)
Syrphe ceinturé ou syrphe bâton : autre mouche très connue de la famille des Syrphidae, maîtrisant le vol stationnaire comme l’eristale gluante, le syrphe ceinturé est un très bon amis du jardinier, car, en plus d’être un pollinisateur, ses larves sont de grandes consommatrices de pucerons et elles en tuent encore plus qu’elles n’en consomment !
Une larve peut ainsi anéantir plus d’une centaine de pucerons par jour.
Les syrphes adultes aiment butiner les fleurs peu profondes comme celles des ombellifères, elles apprécient particulièrement la phacélie, les marguerites, les soucis, l’onagre…
Cétoine dorée : Même si c’est un pollinisateur primitif peu précautionneux des fleurs qu’il visite dont il broute les étamines croquant quelque peu les pétales au passage, on lui pardonne tant ses couleurs magnifiques nous ravissent au jardin !
De plus, les larves de cétoine dorée participent au recyclage des matières
organiques mortes et peuvent donc vous transformer un tas de feuilles mortes en un excellent terreau pour vos plantes cultivées !
Oedémère noble : c’est un petit coléoptère aux très beaux reflets verts comme la cétoine dorée.
Les adultes sont d’infatigables pollinisateurs, car ils se nourrissent exclusivement de fleurs et de pollen.
Les larves, elles, sont des xylophages.
Moro Sphinx : ce papillon est souvent comparé au colibri à cause de sa maîtrise du vol stationnaire, mais aussi de la précision et la rapidité de ses déplacements de fleur en fleur (40 km/h en moyenne) pouvant atteindre des pointes à 50 km/h !
Pollinisateur actif avec sa longue trompe lui donnant accès à tout type de fleurs, le moro sphinx est un papillon migrateur qui affectionne les fleurs très odorantes comme celles de sauges, de lavandes ou de buddleia.
Leurs chenilles affectionnent particulièrement les fleurs de gaillets et de stellaires où les femelles adultes pondent leurs œufs afin que les chenilles s’en nourrissent à leur éclosion…
Vanesse du Chardon : aussi appelé la Belle-dame, ce papillon est un grand migrateur nous arrivant chaque printemps d’Afrique du Nord et pouvant parcourir jusqu’à 500 km par jour !!!
Présente sur tous les continents à l’exception de l’Antarctique, ce grand papillon affectionne plus particulièrement la grande ortie, le chardon, la mauve sauvage, le tussilage, la bardane, l’artichaut, la lavande, les cirses qui sont également d’excellentes plantes-hôtes pour leurs chenilles.
Et bien d’autres encore !!
2. Offrir le gîte :
Tout d’abord, on ne dira jamais assez d’éviter les traitements chimiques bien sûr !
Comme on vient de le voir, plus haut, les modes de vie et de reproduction des insectes auxiliaires sont très variés, il est donc important de prévoir des refuges pour un maximum d’entre eux !
Les cétoines privilégieront les tas de feuilles mortes.
Le syrphe ceinturé aimera pondre au milieu d’une colonie de pucerons. Les bourdons nichent plutôt dans le sol, en surface ou sous terre selon les espèces, sous une pierre ou parfois dans un nid d’oiseau abandonné.
Dans la famille des abeilles solitaires, certaines vont chercher refuge dans le sol, dans des tiges de végétaux creuses ou à moelle tendre qu’elles creuseront elles-mêmes, dans des trous dans des morceaux de bois.
Les osmies par exemple, vont rechercher des trous d’environ 8 mm de diamètre pour y loger leurs larves…
Bref pour que ces insectes pollinisateurs s’établissent chez vous, il faudra leur fournir un maximum de refuges diversifiés.
En voici une liste, non exhaustive évidemment 😃 :
- Des hôtels à insectes : posés de-ci, de-là dans votre jardin, ce type de structures plus ou moins grandes selon vos envies, sera vite repéré par les bébêtes en recherche d’endroit où nicher.
- Vous pouvez les fabriquer vous-même, grâce aux plans dont on vous présente un grand modèle ici et un modèle pour balcon et petit jardin ici . Voici également une sélection d’images d’hôtels à insectes originaux pour vous inspirer.
- Des ruches de toutes sortes : vous choisirez la technique qui vous convient le mieux Warré, Dadant, Kenyanne, etc.
Pour ceux qui voudraient les construire eux-mêmes et favoriser l’apiculture naturelle, retrouvez les articles de Pierre Javaudin sur la construction d’une ruche horizontale en matériaux de bricolage ou de récupération. - Des carrés de sol : cette technique méconnue du grand public est pourtant extrêmement efficace et d’une grande simplicité de réalisation.
Elle favorise notamment la nidification des abeilles solitaires. Il serait donc dommage de s’en priver 😉 - Des tas de pierres : les bourdons des pierres (bombus lapidarius), entre autres, apprécieront 😉
- Des surfaces d’eau : à rendre accessibles aux abeilles et insectes (plages, cailloux, etc.) de l’assiette à remplir régulièrement au bassin, tout est possible…
- Des zones sauvages dans le jardin: on ne le dira jamais assez, vous devez préserver des zones sauvages sur votre terrain pour attirer les pollinisateurs.
Pour cela, il faut pratiquer le fauchage et la tonte tardive et différenciée . - Les spirales aromatiques : ces structures sont très intéressantes pour attirer nos amis poillinisateurs et elles raviront aussi les fins gourmets et ceux qui aiment se soigner grâce aux plantes ;).
Vous trouverez ici des infos pour en réaliser une par vous-même. - Du bois mort, de vieilles souches…
Branchages et bois morts au jardin
Des trésors pour la biodiversité
Gilles Leblais
Éditions Terre Vivante – 2022.
15 €
3. Offrir le couvert (notre composition) et laisser faire la nature :
L’idée est donc d’installer une haie mellifère végétale avec suffisamment de diversité pour que les plantes offrent une floraison tout au long de l’année.
Pour cela, il va falloir faire un travail de recherche et de conception qui se résumera à un choix des essences que vous allez installer selon :
- Leur capacité à produire des fleurs de manière échelonnée dans l’année
- La capacité des végétaux de bien s’accorder entre eux
- L’adaptation à votre contexte de sol et de climat
C’est un travail de recherche et de conception que les plus passionnés d’entre vous feront avec un grand plaisir, nous en sommes sûrs.
Nous avons été confrontés à ce problème sur nos lieux et dans certains de nos travaux de consultation.
Et ce travail, nous l’avons donc fait…
Nous avons réfléchi avec notre équipe, à cette composition qui permettrait d’offrir le couvert à de nombreux insectes pollinisateurs à partir d’une petite surface, qui soit multipliable.
Libre à vous de l’étendre à votre convenance…
Alors pour tous ceux qui n’ont pas envie de s’embêter à faire le travail de recherche et de conception de ces compositions, vous trouverez ici, une haie toute prête à installer, une haie mellifère, notre « haie des abeilles ».
Cette haie mellifère, nous l’avons pensée pour qu’elle offre une floraison répartie sur toute l’année, afin que les insectes puissent trouver de la nourriture à volonté quand ils le souhaitent. Elle offre aussi une diversité d’habitats adaptés à de nombreuses espèces d’insectes.
Elle permettra donc d’attirer chez vous auprès de votre jardin ou à l’intérieur de vos cultures, une très grande diversité d’insectes et ce, sur un laps de temps très étendu.
De plus, la palette de plantes a été choisie pour s‘accorder et s’entraider mutuellement, c’est une guilde !
Alors finalement, en aidant à la survie de toutes ces petites bestioles, vous allez augmenter vos récoltes en quantité, en qualité, en régularité et vous allez vous prémunir de certains indésirables, quoi demander de mieux ???
Cette fiche technique comprend une palette de plantes qui s’accordent et s’entraident mutuellement, des informations pour savoir comment adapter cette composition à votre terrain avec de multiples configurations, des indications de contextes pour savoir dans quelles conditions votre composition sera optimale, un plan de plantation détaillé avec les espacements et les côtes de plantation, des vidéos explicatives qui forment une véritable mini-formation sur des sujets variés comme le mulch, différentes formes de taille et de maintenance, pour savoir comment entretenir vos plantes…
Et puis, cerise sur le gâteau, nous avons respecté le principe de permaculture : « un élément remplit plusieurs fonctions » dans la création de cette haie mellifère ! Une grande partie de ces plantes a donc été sélectionnée pour d’autres bénéfices que l’attraction des pollinisateurs : vous retrouverez des plantes médicinales, fruitières, comestibles et utiles pour l’humain en général…
N’hésitez plus, plantez votre abondance et celle des abeilles et insectes pollinisateurs par la même occasion 😉
* Sources :
- http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2016/01/25/les-insectes-pollinisateurs-facteur-le-plus-determinant-des-rendements-agricoles_4853077_1652692.html
- http://www.resiway.org/resilib/#
* Entomologie : l’étude des insectes
* Crédits photos :
- La pollinisation manuelle : http://www.lesroutesdumiel.com/project/chine-province-du-sichuan-hanyuan/
- La famille des halictes et l’oedémère noble : Photographe : ©Fabien Virey – http://insectes-de-france.fr/galerie/
- Le bourdon : D. Blancard (INRA) – http://ephytia.inra.fr
- L’abeille mellifère, l’éristale gluante, le syrphe ceinturé, la cétoine dorée, le moro sphinx: http://www.quelestcetanimal.com
- La vanesse du chardon : Photographe : ©Jean-Paul Cola
Plantez votre abondance et celles des pollinisateurs !
N’hésitez plus à vous lancer dans la réalisation de votre propre haie mellifère pour profiter au mieux de l’abondance naturelle et favoriser la vie sous toutes ses formes.
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Permaculture Design
Cet article a été rédigé par l’équipe de notre Bureau d’étude Permaculture Design.
Bonjour,
Très bon article sur les auxiliaires ! J’ai moi même fait un article sur les auxiliaires – http://www.jardinerfute.com/auxiliaires/ – qui rejoint sur beaucoup de point celui-là !
Bravo pour le site qui est vraiment super, je reviendrai 🙂
Bonjour
Peut-on se mettre à la haie aux abeilles n’importe quand? Cet hiver c’est bon ou vaut-il mieux attendre une autre saison?
merci
Gilles
De l’automne au printemps sans soucis, sinon le reste de l’année reste possible mais il faudra arroser vos plantations !
Bonjour
Que pensez-vous de faire un hôtel à insectes avec palettes?
Merci
Gilles
Super idée !!
merci….
Très intéressant…
mais ce n’est pas Einstein qui ne s’est jamais intéressé aux abeilles mais Rudolf Steiner qui a écrit sur le sujet !
cordialement
Bonjour,
pourriez vous me renseigner sur la surface et hauteur de la haie ?
merci d avance
Elle est complètement adaptable dans ces dimensions Thierry Ave une hauteur max de quelques mètres…
Bonjour
Mon jardin est voisin de surfaces agricoles (vignes mais) qui sont donc traitées et je voulais savoir si vous auriez une solution pour protéger mon jardin afin que tout le travail fait de notre coté pour protéger et améliorer la nature ne soit réduit à néant.
Merci d’ avance pour vos réponses.
alexandra
Bonjour,
C’est indispensable d’attirer les insectes pollinisateurs. Cependant, et malheureusement, nous ne ferons rien contre la disparition des abeilles car les industriels travaillent à présent sur des abeilles drones pour les remplacer. Les drones ne craignent pas les pesticides que l’on pourra continuer d’utiliser sans limite. Le monde qui se profile ainsi à l’horizon semble d’un triste…
Cordialement