Même si elle se démocratise de plus en plus avec le maraîchage bio-intensif et la diffusion grandissante du concept de permaculture dont elle est une technique phare, la culture sur butte ne date pas d’hier !!
On la pratiquait en Amérique Latine bien avant la colonisation espagnole avec, par exemple, les camellones en Bolivie, Colombie et Équateur ou encore les chinampas au Mexique. La culture sur butte a aussi été pratiquée pendant des siècles en Afrique, notamment pour les cultures de tubercules (ignames, patates douces…), mais aussi en Australie, en Asie (culture du taro par exemple)…
Si de nombreux peuples anciens de par le monde faisaient de la culture sur butte pour produire leur nourriture, vous vous doutez bien que ce n’était pas par « effet de mode », mais bien parce que ce type de support de cultures était ce qu’il y avait de plus efficace dans leur contexte particulier !
La culture sur butte en permaculture : une question de contexte !
Car oui, nous tenons ici à le rappeler vite fait (désolé de nous répéter, mais c’est vraiment fondamental), en permaculture, tout est une question de contexte ! Et la culture sur butte ne déroge pas à cette règle. C’est d’ailleurs pour cela qu’il existe de très nombreux types de buttes différentes (avec ou sans bois dedans, avec ou sans bordures, plus ou moins hautes…). Le support a ainsi évolué différemment selon les endroits et les jardiniers afin d’augmenter son efficacité selon le climat, l’exposition solaire, le sol, etc.
Culture sur butte : avantages et inconvénients de cette technique de jardinage
Cependant, même s’il existe de très nombreux types de buttes différents, on peut quand même décrire plusieurs avantages et inconvénients inhérents à la culture sur butte en général.
Les principaux avantages de la culture sur butte :
- Un meilleur drainage de la zone de culture :
Le fait de former une butte en surélevant la terre par rapport au niveau de base du sol permet de favoriser le drainage des eaux de pluie et autres eaux stagnantes afin d’éviter que le sol cultivé ne soit saturé en eau. Une saturation du sol en eau est, en effet, néfaste à la plupart des cultures vivrières (à quelques exceptions près), entraînant généralement une asphyxie et un pourrissement du système racinaire ! Le besoin de drainage du sol est d’ailleurs une des raisons premières de la création de planches de cultures surélevées dans des systèmes agricoles anciens tels que les chinampas et les camellones d’Amérique Latine, les premiers ayant été construits sur un lac, les seconds dans des plaines inondables…
- Plus de profondeur de terre pour les racines :
Surélever le sol, c’est également offrir plus de profondeur de terre meuble aux racines des légumes qu’on va y planter ! Dans une butte, le développement racinaire est facilité, il est donc plus important en taille et en profondeur que dans un sol non surélevé. Un système racinaire plus important donne des plantes en meilleure santé, qui se développent mieux et sont plus résilientes (en cas d’épisode climatique extrême comme une canicule par exemple), car elles ont plus de ramifications pour trouver l’eau et les nutriments dont elles ont besoin.
- Un espace de culture jamais piétiné :
Une butte, qu’elle soit permanente (par ex.: butte en hugelkultur) ou temporaire (par ex.: butte en lasagne), est un espace de culture bien délimité et bien visible qu’il est facile de ne pas piétiner. L’absence de piétinements sur la zone de culture permet d’éviter le compactage de la terre lors des divers travaux au jardin (désherbage, transplantations, récoltes…). Le compactage du sol est, en effet, néfaste pour la plupart des plantes cultivées, car il entraîne des saturations du sol en eau et des manques d’aération dans le sol, perturbant la vie de sa microfaune et pouvant entraîner l’asphyxie des plantes qui s’y trouvent.
- Un espace de culture favorisant la vie du sol et donc sa fertilité :
Généralement, une butte est un espace de culture, plus ou moins permanent, où le sol n’est pas labouré (même s’il peut y avoir des exceptions dans certains contextes qu’on ne détaillera pas ici) voire pas travaillé du tout, à l’exception de quelques éventuels passages de la grelinette (ou aérobêche). Dans une butte (hormis au départ, lors de sa création), le sol n’est pas retourné et perturbé de manière intempestive à chaque changement de culture. Ceci offre un gros avantage à la vie du sol qui peut s’y développer beaucoup mieux.
On sait en effet aujourd’hui que le retournement des divers horizons d’un sol lors d’un labour profond entraîne la mort de très nombreux micro-organismes essentiels à la fertilité. En gros, on peut dire que le sol se compose de deux grands milieux : un milieu aérobie (contenant du dioxygène de l’air) normalement en surface, hébergeant quantité de micro-organismes et insectes ayant besoin d’air pour vivre; et un milieu anaérobie (privé de dioxygène) qui héberge lui aussi les micro-organismes spécifiques qui meurent au contact de l’air. Lors d’un labour profond, le milieu anaérobie se retrouve en surface au contact de l’air et le milieu aérobie en profondeur, résultat : les habitants des deux milieux meurent, car leurs conditions de vie ne sont plus réunies et le sol meure aussi peu à peu perdant sa fertilité, sa capacité d’absorption et de rétention de l’eau, des nutriments…lors d’une culture sur butte, à l’inverse, on favorise la vie du sol par cette absence de retournement des diverses couches du sol.
Et on peut même, avec le temps et en l’absence totale de labour (même peu profond), voir se développer dans nos buttes de super alliés pour nos plantes : des champignons mycorhiziens ! Il s’agit de champignons ayant la capacité d’entrer en symbiose avec les racines des plantes pour mettre en place des échanges donnant/donnant : le champignon donne à la plante des nutriments type azote, phosphore…qu’il a pu aller chercher plus loin et plus profond que ce que les racines des plantes atteignent et, en échange, la plante lui donne du glucose qu’elle a fabriqué par photosynthèse ! Génial non ?
Bref, une culture sur butte est vraiment une aubaine pour avoir un sol vivant, fertile et des cultures en bonne santé et productives !
– Un espace de culture couvert :
Une butte est aussi un espace de culture régulièrement mulché (avec une couverture de sol) même s’il est courant et même recommandé, au printemps notamment, de découvrir le sol sur quelques semaines pour accélérer le réchauffement de la terre par le soleil. Or un mulch, lorsqu’il est organique, contribue à nourrir le sol au fur et à mesure de sa décomposition par les micro-organismes de sols. Un mulch fournit aussi un abri et un garde-manger pour de nombreuses formes de vie qui vont s’y installer et enrichir votre écosystème et sa biodiversité. De plus, un mulch suffisamment épais sur une butte va limiter le développement des adventices (les fameuses « mauvaises herbes ») et réduire par la même les besoins en désherbage.
– Une façon de cultiver qui sollicite moins le dos :
Le principe même de la culture sur butte, par surélévation du niveau du sol, permet de jardiner en se baissant moins, voire plus du tout selon la hauteur de la butte choisie. Le dos du jardinier est donc beaucoup moins sollicité, ce qui facilite beaucoup les divers travaux à réaliser sur les buttes. 😉
- Une saison de culture plus longue:
Le fait que la terre soit surélevée permet un réchauffement plus rapide de celle-ci dès les premiers rayons de soleil printaniers. Ces derniers atteignent la butte sur un laps de temps plus important sur la journée, accélérant son réchauffement comparativement à un jardin à plat. On peut donc commencer à cultiver plus tôt au printemps. De même, une butte permet le prolongement de la saison de culture en fin d’été, début d’automne, pour les mêmes raisons (rayonnement solaire plus long sur les parties surélevées) et grâce à son drainage efficace des pluies automnales.
- Un support de culture qui favorise les microclimats et effets de bordures :
La création de reliefs lors de la confection d’une butte, quelle qu’elle soit va créer, sur un espace très restreint, divers microclimats permettant l’installation de cultures dans les endroits les plus appropriés à leurs besoins. Ainsi, le sommet de la butte, si elle est arrondie, sera un endroit où l’ensoleillement et le drainage seront maximisés, idéal pour les légumes du soleil comme les tomates, les aubergines, les poivrons…il y aura aussi créations de zones plus ombragées en fonction de son orientation et de la hauteur des légumes cultivés « au sud » de la butte, ce qui peut être intéressant pour des légumes préférant l’ombre partielle au plein soleil comme les laitues, les choux, les radis, les épinards…
« Favoriser l’effet de bordure » est un principe de permaculture universel qui vient du fait qu’une bordure entre deux milieux différents profite des avantages des deux milieux.
Les bordures sont donc, généralement, des endroits très riches en biodiversité. Sur une butte, il y a, de fait, plusieurs effets de bordure, par la création du relief de la butte qui contraste avec les allées et aussi en fonction des matériaux choisis pour constituer les bordures physiques de la butte (planches ou rondins de bois, pierres, briques…). Cette démultiplication de l’effet de bordure est un attrait de plus pour la biodiversité que votre butte est susceptible d’accueillir.
Les inconvénients de la culture sur butte :
Il y a toujours un revers à la médaille, la culture sur butte a donc aussi son lot d’inconvénients.
- Un support de culture énergivore à construire avec de la maintenance à prévoir :
Quel que soit le type de butte que vous envisagez de mettre en place, il s’agit généralement d’éléments qui vont vous demander pas mal d’énergie à leur mise en place. Mise à part quelques buttes temporaires type lasagne ou bottes de paille plus faciles à mettre en place, la plupart des buttes permanentes devront être réalisées soit à la force des bras soit à l’aide d’engins mécanisés. Dans un cas comme dans l’autre, mieux vaut être sûr d’en avoir besoin avant de se lancer dans la réalisation très énergivore d’une butte !
Une fois réalisée, votre butte pourra durer plusieurs années, mais elle ne sera pas éternelle non plus ! Elle nécessitera, à intervalle régulier (tous les 3 à 5 ans…), un peu d’entretien (bordures à refaire, terre à remonter des allées…) pour perdurer.
- Un support de culture contre-productif dans certains contextes :
Comme nous l’avons vu dans un précédent article intitulé « Une butte de permaculture, c’est quoi ? », une butte n’est pas la panacée et faire une butte sans l’adapter à son contexte peut être complètement contre-productif. Par exemple, dans un contexte climatique de fortes chaleurs, l’évaporation sur une butte peut-être très importante et entraîner la création d’un milieu trop sec pour vos cultures. Idem dans un contexte où le vent est un facteur limitant fort, faire une butte ne sera pas une bonne idée, car les végétaux sur la butte seront d’autant plus soumis aux vents ce qui peut grandement freiner leur développement. Dans certains contextes (arides notamment), il sera même préférable de cultiver plutôt dans des creux ! La culture sur butte ne doit donc pas être pratiquée à la légère, mais plutôt mûrement réfléchie !
- Un espace de culture à maintenir fertile :
Dans le cas de buttes permanentes, l’espace de culture est toujours le même et il est très sollicité par des plantations souvent denses et successives. Il est donc important de veiller au maintien de la fertilité dans vos buttes. Cela demande une attention particulière, notamment pour nourrir la microfaune du sol et favoriser la création d’humus. Des techniques comme le « chop&drop » (« coupé&déposé ») de végétaux fixateurs d’azote ou d’autres nutriments tels que la consoude peuvent y contribuer; tout comme une épaisse couverture de mulch équilibré en carbone/azote ou encore le semis d’engrais verts… quoi que vous choisissiez comme technique pour le maintien de la fertilité dans vos buttes, cela sera forcément un point à surveiller !
- De la rigueur dans les rotations potagères :
Quand on cultive sur buttes permanentes, on réutilise le même espace relativement restreint d’une année sur l’autre, il est donc préférable de savoir ce qui a été cultivé dans ce même espace les saisons précédentes afin de ne pas y replanter la même chose ! Cela est nécessaire pour ne pas épuiser le sol en mettant tout le temps les mêmes plantes au même endroit et aussi pour éviter les attaques de ravageurs d’une année sur l’autre à cause de ceux qui auraient passé l’hiver dans le sol au pied de leurs légumes préférés. 😉 Bref, pour la culture sur butte, une certaine rigueur s’impose au niveau des rotations potagères tant qu’on n’a pas atteint des niveaux de mélanges et de diversités dans les cultures comme ce qu’expose par exemple Jean-Marie Lespinasse dans son livre « Le jardin naturel ». Il est donc préférable de bien tout noter de façon claire d’une année sur l’autre !
Culture sur butte : conclusion
Vous connaissez maintenant les principaux avantages et inconvénients de la culture sur butte, quel que soit le type de butte choisie. Hormis dans certains contextes, elle a quand même plus d’avantages que d’inconvénients, c’est pourquoi elle est aujourd’hui plébiscitée par de nombreux jardiniers et permaculteurs. Et maintenant, c’est à vous de voir ! Alors, dans votre cas, ce sera culture sur butte ou pas ? N’hésitez pas à nous partager vos réflexions en commentaires. 😉
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Cet article a été rédigé par l’équipe de notre Bureau d’étude Permaculture Design.
Bonjour,
J’ai réalisé une butte de culture un peu par hasard. Au début, ce n’était qu’un tas de branches coupées issues de la taille de 2 arbres fruitiers. Puis, m’est venue l’idée d’y rajouter de la terre, divers matériaux organiques, du compost, du terreau, etc… la production y est abondante, mais comme il y a bcp de bois en dessous, elle est très drainante, ce qui implique des arrosages estivaux conséquents.
Cela fait deux ans que je l’ai construite, mais je n’ai planté des légumes que cette année, le temps qu’elle se stabilise et s’équilibre.
Avant de la pailler pour l’hiver, j’ai pris soin d’y ajouter 20L de compost maison et l’équivalent d’un grosse brouette de fumier mûr. Le paillage a été réalisé avec un mélange de feuilles mortes et de paille.
Je pense qu’au printemps prochain, mon problème de drainage trop important sera résolu, car le bois sera plus décomposé et la butte va de fait se tasser, et donc augmenter sa surface de contact direct avec le sol en dessous.
Pour info, j’habite en Alsace, dans la vallée qui surplombe Mulhouse.
Bien à vous!
Aurélien